Et pourtant je suis vivant ! Ou pourquoi bannir le mot valide.

Nous savons tous que l’utilisation de l’image du fauteuil roulant pour représenter les personnes handicapées a largement contribué à l’idée reçue qu’une personne handicapée « souffre » forcément d’un handicap physique et plutôt lourd. D’où des interventions, souvent entendues lors des formations que j’anime sur la diversité et le handicap : « Notre activité n’est pas exerçable par des Travailleurs Handicapés » ou « Un Travailleur Handicapé ne peut pas effectuer l’ensemble des tâches d’un poste ». On entend aussi « Notre immeuble n’est pas accessible pour les personnes handicapées » car il n’y a pas de rampe d’accès. On commence donc à utiliser d’autres pictogrammes pour représenter le handicap ou plutôt les différentes formes de handicap afin de ne pas réduire le handicap au seul handicap moteur. Vous trouverez ces différents pictogrammes sur le site de l’AGEFIPH.

Or, ce qui est intéressant à mes yeux, c’est que personne ne semble se préoccuper du mot « valide » pour désigner les personnes qui n’ont pas un handicap… alors qu’il m’a toujours semblé que ce mot véhiculait autant d’images négatives que l’utilisation du fauteuil roulant. J’ai donc fait une première recherche sur Internet pour voir quelle définition était donnée au mot « valide » et j’ai trouvé « qui ne souffre d’aucun handicap ». Jusque-là tout va bien. Aucune connotation négative, une simple description.

En fait, ce n’est pas tout à fait neutre. Il y a quand même le mot « souffrir » dans la définition. Cela suppose qu’une personne handicapée souffre de quelque chose. Mais une personne peut être handicapée sans pour autant en souffrir … N’est-ce pas ?

Ensuite, j’ai regardé les synonymes et j’ai trouvé « sain », « valable » et « vivant » et je me suis dit « Je suis handicapé*, donc je ne suis pas valide. Et pourtant, je suis vivant. De ça je suis certain ! Je pense aussi être sain et valable. » Je le dis avec un peu de légèreté et d’humour qui manquent souvent quand on évoque le handicap. Mais il y a un fond très sérieux derrière ces propos.

Non content de ces quelques définitions glanées sur Internet, j’ai voulu aller un peu plus loin. Je me suis dit que ce serait intéressant d’avoir une source plus officielle. J’ai commencé avec Le Littré où l’on trouve « sain, vigoureux » comme synonymes de « valide ». Pareil donc que sur Internet. J’ai aussi regardé dans le Dictionnaire Robert en 9 volumes, qui est, pour moi, la référence de la langue française. Et là, c’est encore plus fort ! On trouve la définition suivante : « qui est en bonne santé, capable de travail ». Extraordinaire ! Dans ce cas, toutes les missions handicap en France peuvent arrêter leur travail tout de suite. Car leur objectif est de promouvoir l’intégration dans les entreprises et des organismes publics des personnes handicapées. Mais si une personne handicapée n’est pas valide, elle n’est pas non plus « capable de travailler ».

L’autre possibilité est de bannir le mot « valide », de travailler sur nos stéréotypes et de faire en sorte qu’on brise cette association entre « personnes valides » et « personnes handicapées ». Et comment, dans ce cas, parler des « personnes valides » ? A mon avis, le contraire d’une personne handicapée devrait être une personne non-handicapée en s’inspirant de la terminologie utilisée par Barack Obama le soir de son élection quand il a parlé des personnes « disabled and non-disabled ».

* Pour les gens qui ne me connaissent pas, mon bras droit est paralysé suite à un accident de scooter à 16 ans. Là aussi on est confronté à un stéréotype très répandu. La plupart des gens supposent que je suis handicapé de naissance. Ce que je ne suis pas…. Comme la plupart des personnes handicapées puisque les chiffres montrent que 85% des handicaps surviennent à l’âge adulte.

Retrouvez ici pour des informations à propos des conférences sur le handicap animées par Pete Stone.